Les Professions Libérales Belges et la Crise du Covid-19, par Bernard Jacquemin, Président de l’UNPLIB

 

Bernard Jacquemin, President of UNPLIB
Bernard Jacquemin, Président de l’UNPLIB

Votre organisation a-t-elle pu facilement s’adapter à la période de confinement qui a découlé de la pandémie?

Pendant la période de confinement, nous avons eu la chance de pouvoir travailler en visioconférences. Beaucoup de courriels entre les administrateurs et les membres du Bureau.

De nombreuses initiatives ont pu être mises en place. Nous avons informé nos membres des mesures à prendre et des développements des aides économiques, tant fédérales que régionales. En même temps, nous avons fait pression sur nos autorités pour que les professions libérales ne soient pas les laissées pour compte des aides par rapport aux commerçants et aux artisans.

Dans quelle mesure cela a-t-il perturbé le fonctionnement de votre association?

Nous avons pu communiquer entre nous « presque » normalement. Peu avant la crise, nous avions déjà instauré les visioconférences, nous étions donc parés.

Mais rien ne remplacera jamais le contact physique des réunions en présentiel. Durant la crise, nous n’avions pas d’autre choix, au vu de l’obligation de rester confiné. En tout cas, nous avons pu fonctionner, à la satisfaction générale de nos membres, semble-t’il.

Cela a-t-il rapproché votre association des pouvoirs publics en tant qu’interlocuteur?

Oui, dans la mesure où la situation était très préoccupante. Notre collaboration, précédemment entamée avec le Syndicat Neutre des Indépendants s’est nettement intensifiée. Nous avons pu rencontrer divers décideurs politiques, tant au niveau fédéral que régional.

Nous avons rédigé 5 communiqués de presse et 2 enquêtes, avec un gros travail de lobbying pour obtenir et ancrer des aides économiques et politiques, aux différents niveaux de pouvoir.

Vos membres ont-ils pu utiliser votre association comme relais d’information et envoyer leurs retours aux autorités?

Oui, également, nous avons toujours été à l’écoute de nos membres pour relayer leurs préoccupations aux autorités. Les deux enquêtes répercutées auprès des diverses professions libérales nous ont permis de prendre la température. Dans l’autre sens, les revendications de l’Unplib étaient transmises aux Organisations membres, qui ensuite pouvaient informer leurs membres de nos prises de position dans la défense des professions libérales.

Pensez-vous que cette période difficile a eu un impact sur les relations entre les professions libérales et leurs clients et patients, notamment en ce qui concerne la confiance dans les professionnels et l’appréciation de leur rôle au sein de la société? Nous savons tous, par exemple, que les professions médicales ont bénéficié de beaucoup de reconnaissance pour leur bon travail. Qu’en est-il des autres professions, comme par exemple les notaires et les avocats qui ont souvent été appelés à recevoir des testaments ou à défendre des personnes maltraitées durant le confinement?

Nous avons surtout constaté que nos libertés sont fragiles. Il ne faut pas beaucoup pour devoir cesser ses activités. Les soins médicaux urgents et nécessaires ont continué, de manière forcée. Les patients se sont montrés reconnaissants envers les prestataires de soins du Covid-19 pendant la pandémie. Mais je pense que ce sera vite oublié. La vie continue. Il reste sans doute la crainte d’un éventuel nouveau confinement. Nous avons repris le travail il y a deux mois, et je constate, à titre personnel, que certains patients ne sont pas encore revenus suivre leurs soins, sans doute parce qu’ils ont encore peur d’une éventuelle contamination.

Les notaires ont encore accru la numérisation de leurs études, même si les signatures présentielles emportent   encore la préférence de la plupart de leurs clients. Ils ont obtenu le droit de passer des Actes à distance, par téléconférence, dans le cadre des pouvoirs spéciaux, en utilisant la signature électronique.

Pensez-vous que la situation actuelle aura un impact sur la santé financière des PME des professionnels libéraux?

Cela va dépendre d’une profession à l’autre, et même d’un titulaire de profession libérale à l’autre. Certains vont avoir de grosses difficultés à redémarrer. Je pense ici aux jeunes ou à ceux qui évoluent avec une petite clientèle/patientèle. Il y aura probablement des faillites en plus grand nombre dans les mois qui viennent. D’autres sont déjà repartis et auront vite oublié  cet épisode, pour autant qu’il ne se reproduise pas trop souvent à l’avenir.

Les professions libérales de votre pays et leurs PME ont-elles été prises en considération lorsque votre gouvernement a adopté des mesures pour compenser les dommages financiers?

Oui, mais de manière insuffisante, et pour certains, après de nombreuses plaintes de notre part. Le problème de nos professions libérales, c’est de ne pas avoir été forcés d’arrêter le travail. De ce fait, les autorités en ont profité pour ne nous donner que la moitié des aides financières et des primes auxquelles nous avions droit, au même titre que les autres indépendants. De plus, nous n’avons pas obtenu d’indemnités journalières, alors que les commerçants et les propriétaires de cafés ou de restaurants, forcés d’arrêter le travail, les obtenaient en plus, en Région flamande.

La spécificité des professions libérales a-t-elle été prise en compte lorsque votre gouvernement a annoncé des mesures pour relancer l’économie générale de votre pays?

Les professions libérales ne doivent pas compter sur les promesses de relance du Gouvernement fédéral. Nous avons des possibilités d’étaler certains paiements, certaines cotisations sociales et le remboursement de certains emprunts, mais ce devra être payé plus tard. Les titulaires de professions libérales seront bientôt à nouveau seuls. Nous souffrons de notre image de « professions privilégiées » (riches), ce qui n’incite pas les autorités à nous faire des cadeaux. Il s’agit en fait d’une idée préconçue, datant sans doute d’une autre époque. La majorité des titulaires de professions libérales ne se trouve pas parmi les nantis, comme certains voudraient le faire croire.

Maintenant que le confinement est terminé, comment voyez-vous l’avenir de notre secteur dans votre pays: un retour à la vie normale ou profondément marqué par de nouvelles habitudes?

Les professions libérales ont été considérées comme essentielles durant la crise. Leurs activités n’ont donc jamais été interrompues de par la loi. Ce privilège nous a d’ailleurs valu une indemnisation en demi-teinte, comme je l’ai déjà dit. Il est urgent qu’à la sortie de crise, les différents niveaux de pouvoirs se souviennent ou se rendent enfin compte de l’importance de notre secteur et de la résilience dont il a dû faire preuve. On est en droit de se demander pourquoi des fonctionnaires travaillant à régime réduit ont pu garder l’entièreté de leurs revenus, alors que les professionnels libéraux ont été forcés de puiser dans leurs réserves  et devront encore le faire durant pas mal de temps. Plus que jamais, nos gouvernements devraient nous soutenir et nous aider dans nos missions. Il est primordial que nos professions essentielles le restent et ce ne sera pas possible à coups de dérégulations et de nivellements par le bas.